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Sur cette comparée 7 : les bitters (feat. collab. Silo-VTUB)

Parait que le slogan informel de la ligue Balle donnée sociale de Montréal c'est : « bite her now and bitter later » mais on n'a pas de source à l'interne pour confirmer. Dans tous les cas, c'est quasiment un bon jeu de mot qui a l'avantage de nous amener à parler du sujet de la semaine : la bitter.

 

Première chose : c'est pas vraiment amer, une bitter, selon les standards d'amertume actuels. Deuxième chose : la pokémonisation de la bière (TM), ça date pas de la dernière batch de Ta Meilleure : depuis le 19e siècle, les Anglais ont établi trois styles distincts avec un seul : de la petite ordinary bitter, elle évolue en best bitter, puis se transforme en extra special bitter. Bon, des flammes ne n'apparaissent pas aux sabots comme Rapidash, pas plus que des bazookas sur leur dos tel Tortank, mais le taux d'alcool passe de 3-4% pour la première à 4-5% pour la deuxième puis 5% à l'infini pour la extra special bitter. Et ça, c'est pas rien.

 

C'est pas rien parce que pinter de la ordinary bitter en cask, comme au Royaume-Uni, c'est dans le domaine du très satisfaisant. On s'étonne d'ailleurs que pour tous les brasseurs qui ne jurent que par les lagers, tous les évangiles de l'Allemagne et la République Tchèque brassicoles, toutes les personnes qui ne peuvent concevoir une fermentation en haut de 13°C, tous les lagerheads, tous les aficionados des « goûts délicats derrières lesquels on ne peut se cacher », des bières qui goûtent la bière, de l'équilibre des malts, bref : pour que c'est faire qu'ils ne brassent pas plus et ne boivent pas plus de styles anglais? Où sont les dark mild ales de qualité (à part à l'Albion), les IPA anglaises à 5% aux malts présents et à l'amertume relaxe comme on en boit outre-manche, les 80 shillings, les pale ales anglaises? Des idées comme ça...

 

Jaser c'est bien, donner des exemples c'est mieux! Nous avons goûté à l'aveugle deux bitters ordinaires : Liège de Silo et Ce que tu devrais boire à tous les jours de l'Isle de garde; une bitter ordinaire avec une levure écossaise, Cromlech de l'Albion; deux best bitters, Beretta de Dunham et Rousse anglaise de la Barberie; et une extra special bitter, Voyageur des brumes de Dieu du ciel.

 

Évidemment, à ces taux d'alcool, il y aura une marge de différence entre une bière à 3% et à 4,5%, considérant qu'on a une fois et demi le taux de la plus plus basse. Comme nous disait une brasserie cylindrique : « Il faut que le malt contribue assez à la texture [sans être transformé en alcool, NDLR] et il faut que l'amertume soit suffisante sans devenir trop. L'équilibre est différent d'une bière à 5 %. Alors je dirais que le plus difficile est qu'on a moins de références quand on brasse à 3 %. »

 

Une personne ― qu'elle soit abondamment remerciée pour ses services ― a servi à deux employé.e.s du VTUB et moi les six bitters à l'aveugle. Chacun.e écrivaient ses notes personnelles puis nous en avons discuté. Elles ont toutes été devinées. Quand on vous dit que le staff connait ses affaires, c'est ça!

 

On a d'abord goûté la Liège de Silo, ordinary bitter à 3% brassée en collaboration avec le calife du VTUB et dessinée par JuGa. Elle sent un jour de brassage, elle goûte le thé vert avec une touche de miel et des céréales légèrement rôties sur fond biscuité. Elle est mince, très très sèche, courte en bouche avec une certaine amertume.

 

Dans la Beretta de Dunham, special bitter, synonyme de best bitter, à 4,8%, j'avais un côté un peu fruité au nez, comme de l'abricot; un peu grain, un peu soufre, un peu fleur pour mes collègues. En bouche, c'était plus sucré, plus amer, plus rôti. La gorgée s'étire en longueur avec des notes de galette de riz, de caramel, de feuille morte, de pain brioché.

 

Les flaveurs de la Rousse anglaise de La Barberie, best bitter de 4,5%, tournait principalement autour du caramel, du toffee, de la figue. Elle s'est avérée être la plus sucrée du lot. On aurait pris un peu plus de malt rôti et d'amertume pour contre-balancer.

 

Pour la Cromlech, ordinary bitter écossaise de 4%, l'Albion a utilisé une souche de levure écossaise plutôt que celle habituellement utilisée pour leur bitter classique. Malheureusement, la refermentation ne s'est pas passée comme ils l'auraient voulu et plusieurs bouteilles n'ont pas assez de carbonatation, même considérant le style. Avertissez la brasserie si c'est le cas pour vous.

 

Ça me permet d'ailleurs de faire une petite aparté sur les bières qui ont des défauts : le/la client.e est en meilleure position pour contacter la brasserie s'il y a un problème avec une bière puisque c'est vous qui l'avez directement constaté. Généralement, la brasserie vous demandera où vous avez pris votre bière et vous fera parvenir par votre détaillant un remplacement. Ce sera toujours plus facile pour vous, pour la brasserie et pour le détaillant que si vous voulez passer par le détaillant. Maintenant vous savez!

 

Pour revenir à la Cromlech, on avait de belles notes de céréales grillées au nez, puis en bouche on a été étonné par les notes d'algue, de cuir et animales aux côtés de notes plus classiques biscuitées. Il faudra y regoûter dans une meilleure forme!

 

On ne pouvait pas faire cette dégustation à l'aveugle sans mettre une intruse introuvable sur les tablettes (we wish!) d'une brasserie dont on connait en termes d'hectolitres la maitrise rigoureuse des styles anglais et l'incontrôlabilité des noms absurdes anti-untappdesques : l'Isle de Garde. « Ce que tu devrais boire à tous les jours » n'est pas une idée que je voulais développer dans cette phrase, pas plus qu'un impératif, mais le nom de la bière, ordinary bitter titrant 3,4%. Pas ordinaire, pourtant, cette bitter! On a évidemment une carbonatation douce, considérant que nous l'avions bue d'un growler rempli l'heure avant au bar. Elle tire partie de trois axes de flaveurs qu'elle pose en équilibre : un aspect biscuit frais, de croûte de pain artisanal, butterscotch sans excès, grain parfaitement rôti; une partie fruitée, agrumes légères, orange et son zeste; et finalement du thé délicat, noir et sa petite astringence, Earl Grey et sa bergamote (rappel du fruité); une légère amertume de ces flaveurs et du grain complètent un tableau de maître. Elle s'avère à la fois facile à boire, équilibrée et d'une complexité étonnante, avec ses vagues de nuances sous un thème principal malté.

 

Et on finit avec un classique québécois, la Voyageur des brumes de Dieu du Ciel!, extra special bitter de 5,2%. Évidemment plus costaude que les précédentes, elle est très goûteuse avec ses accents de noisette grillée, de mélasse et tire-éponge, suivi d'une amertume équilibrant les sucres. Comme une crêpe au sarrasin avec de la cassonade sous forme de bière. Finale sur le caramel brûlé. Toujours sympa!

 

En somme, une bien agréable dégustation à la fois goûteuse et dont on ne sort pas complètement paf. Un style à découvrir, avant de sortir les stouts impériales des fêtes. L'excellente Liège de Silo est disponible évidemment au VTUB et chez quelques ami.e.s détaillants, attrapez-en si vous en voyez, vous me remercierez plus tard.

-Louis-Augustin

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